EDF Aqua Challenge Paris 2024
Récit des 5000m de natation de l'EDF Aqua Challenge 2024
Par Delphine Moret

Fin août, je lançais le défi fou aux nageurs du club et autres amis de faire un 5000 m dans la scène avec moi, quinze jours après. Pourquoi une telle proposition, alors qu'il s'agit d'une épreuve très individuelle que j'aurais pu la faire seule? Parce que pour moi, le sport est avant tout du partage, de la convivialité, des rires, de l'entraide et des émotions partagées. Avant le départ, pour pouvoir rigoler et déstresser, s'aider à fermer sa combi et se souhaiter une bonne course avec un sourire réconfortant, et à l'arrivée, pour s'encourager et se féliciter et partager ses émotions.
Trois téméraires du club répondent présent à mon appel. Nicolas Dubois, Myriam Ferran, Fabienne Chaumaz et également Florence, alignée sur le 2500. Je suis ravie d'avoir trouvé de la compagnie. Et quelle compagnie! Tous de très bons nageurs du club. Ai-je vraiment ma place sur cette épreuve, vu mon niveau ?
Je suis confiante puisque j'ai déjà terminé en 2022 un 5000 m à Annecy en 2h30, et je me suis faite sortir de l'eau à Thonon l'année suivante au bout de 2 heures car hors délai. Je ne pouvais pas rester sur cet échec, mon objectif était donc d'approcher les 2 heures et de finir cette course.
Je suis très bien entourée. Le trajet en RER avec Fabienne, les retrouvailles et préparatifs avec Myriam, toujours souriante et rigolote, avec Nicolas, réservé et rassurant, et Florence, qui arrive juste à temps pour m'aider à fermer ma combi et me souhaiter une bonne course, avec son positivisme à toute épreuve. Depuis un ponton, on se glisse les quatre ensembles dans l'eau.
Aïe, qu'est ce qu'elle est froide ! 17 degrés annoncés... Je regrette déjà de ne pas avoir mis mes chaussons néoprène. On patiente un peu en statique, dans ce bain glaciale, et les regards et mots échangés me permettent de moins stresser. Je plaisante même en leur lançant : "Alors, on dit merci qui? Merci Delphine, de nous avoir embarqué dans cette galère !".
Certains doivent se demander : "Qu'est ce que je fais là?". Mais pas moi. Je suis plutôt content de ces conditions rudes. C'est dans l'adversité qu'on voit la force du mental.
Et hop, le coup d'envoi est donné. Ça part très, très vite, et je me fais doubler en permanence. Personne à ma vitesse. En fait, je n'ai pas fait attention qu'on s'était positionné plutôt à l'avant de la course, et vu mon niveau, je ne tarde pas à être plutôt à l'arrière, très à l'arrière. Plus personne à côté de moi après même pas 500 m. À la première bouée, il faut faire un quart de tour. Je regarde derrière et je vois : une personne.
En terminant le premier tour de 1250 m, je regarde ma montre entre deux coups de bras et voit trente minutes. Niquel, je suis dans le bon rythme pour terminer en deux heures, à condition de ne pas faiblir. A peine entamé le deuxième tour, je me fais déjà rattraper par les premiers à une vitesse folle. Ça me met un coup au moral, mais je reste concentrée sur ma course. Je fais ce deuxième tour seule, enfin avec des torpilles qui n'arrête pas de me doubler, mais personne à qui m'accrocher.
Le soleil commence à passer au dessus des immeubles et illumine la rotonde du bassin de la Villette. Je trouve ça beau. Je me dis que c'est très différent de Annecy ou Thonon, mais qu'on a de la chance d'être là. Des habitants des péniches sont en train de boire leur café sur leur ponton et nous regardent passer, en bas. Tout comme ceux installés à la terrasse du café, sur la berge au soleil, mais bien emmitouflé au chaud dans leurs blousons. Que de contrastes! Je me dis que ces gens doivent bien se demander pourquoi on s'inflige une telle épreuve.
Une heure de course, je suis dans les temps. Enfin, les miens. Au troisième tour, je rattrape enfin des nageurs moins rapide que moi, mais pas le même bonnet. Ils sont sur le 2500 et viennent de partir. Certains galèrent déjà, en brasse ou en dos... C'est bête, mais je me sens plus forte parmi eux et cela me rebooste.
En terminant mon troisième tour, alors que je suis à quelques mètres de la ligne d'arrivée qu'il faut franchir à chaque tour, je me fais littéralement passer dessus par deux trois nageurs qui en termine au sprint. Une fois remonté à la surface, je croise le regard effrayé de spectateurs qui ont vu la scène depuis la berge. Je reprends ma nage, calmement, à mon rythme, pour finir le dernier tour.
Il s'est passé une heure trente, je suis dans les délais. Au cours du dernier tour, je double quelques nageurs au même bonnet et me dit : "Je ne serait donc pas dernière !". J'ai de plus en plus mal aux pieds tellement ils sont frigorifiés. J'essaye de faire des battements plus vigoureux pour faire circuler le sang et éviter l'hypothermie, mais pas de grandes améliorations. Et là, une nageuse s'arrête net devant moi et semble en détresse. Je m'arrête aussi et lui demande si elle va bien. Elle me répond qu'elle a trop froid, qu'elle va arrêter et se dirige vers la berge pour s'y accrocher. La sachant en sécurité, je reprends vite ma nage pour m'éviter le même sort.
Dans la dernière ligne droite, je me sens bien, porté par l'adrénaline probablement. J'accélère. Juste avant l'arrivée, lorsque je suis au plus près de la berge, je regarde si je vois ou j'entends Fabienne, Myriam ou Nicolas qui doivent être arrivés depuis longtemps, je pense. Mais personne, je ne vois personne.
Je donne les derniers coups de bras et tape avec la puce sur la ligne d'arrivée. Voilà, c'est fait. Je viens de terminer un 5000 en environ 2 heures.

Ceux devant moi emprunte avec difficulté une petite échelle en fer fixé à la berge, tout de suite après la ligne. Je ne percute pas qu'il y a le ponton juste après, sûrement plus facile d'accès. Je me hisse avec difficulté en haut de cette échelle. Mes pieds sont tellement engourdis par le froid que je ne peux pas marcher tellement j'ai mal. Et là, je vois Nicolas et son sourire réconfortant qui vient à mon secours. Je lui attrape le bras, et m'appuis pour pouvoir marcher. Je commence aussi à trembler de tout mon corps. Il me propose d'aller me chercher un café et à manger.
Je rejoins Myriam et Fabienne, qui finissent de se changer, et je me dépêche d'en faire autant, tout en mangeant du quatre-quart ramené par Nicolas et boire du café chaud. Je frotte mes pieds vigoureusement avec ma serviette pour les faire revenir à la vie, sans grand succès. Une fois au sec, on commence à se raconter nos courses, nos impressions. C'est chouette.
Je retrouve Florence qui a terminé son 2500 et qui est trop contente d'elle. Moi aussi, je suis fière d'elle. Quelle progression ! Je ne peux pas discuter longtemps avec elle, j'ai besoin de marcher pour que mes pieds reviennent à la vie. Après avoir franchi la passerelle, on décide de se prendre un petit café/chocolat chaud, en terrasse, au soleil, au bord du bassin et de poursuivre nos conversations.
Ainsi s'achève l'aventure des 5000 m dans le bassin de la Villette. Ah, j'avais oublié de vous dire que je termine en 77ème position, soit dernière classés de la course, en 2h02. Je suis très fier de cette place en pensant à tous ceux qui ont dû abandonner, ou n'ont pas osé s'inscrire. Nicolas termine en 1h38, ce qui explique qu'il était déjà changé, rassasié et avait bu tout le café à mon arrivée. Myriam en 1h51 et Fabienne en 1h54, ce qui explique qu'elles étaient en train de se changer à mon arrivée. Merci Fabienne pour les vidéos et photos prises de mon arrivée. Florence sur le 2500 termine en 1h08.
Un grand bravo à tous et un énorme merci de m'avoir suivi dans cette aventure ! Rendez-vous l'année prochaine pour de nouvelles aventures en eau libre, où ailleurs.